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Louer en France le temps d’un week-end (Voile Magazine Avril 2020)

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Louer en France le d’un Week-End; un coup de mistral sur un coup de tête ! Pogo, JPK, RM… ou trouver ces bateaux atypique ?

À Marseille, pour un coup de mistral ! Pas besoin d’allez très loin ni de partir longtemps pour faire le plein de sensations fortes et lumières du Sud. Il suffit d’un peu de culto et d’un loueur dont la souplesse de planning se prête à tous les coups de tête. Quelle claque…
Des claques à 40 noeuds et plus sous le vent des calanques, c’est brutal mais c’est bon !

ON NE POURRA pas dire qu’on n’était pas prévenus. Depuis une semaine, tous les sites météo affichent ces deux journées de février en rouge, avec des nuances orangées et autres variantes mais on a compris le principe : ce sera mistral. Pas le mistral de fin du monde à faire claquer les aussières des ferries au port de la Joliette, mais quand même 25 à 30 noeuds établis aux dires de ces fichiers qui, il faut le reconnaître, se trompent de moins en moins. Du brutal, donc. Faut-il renoncer? Avancer notre croisière — nuages et même bruine au programme — ou au contraire la décaler, quitte à chasser désespérément la risée de Niolon à Cassis? Pas question… Non seulement nous allons faire avec, mais nous allons nous régaler! Un coup de mistral sur un coup de tête, avec la complicité d’un loueur qui n’impose aucune contrainte de planning et compte dans sa flotte des unités capables d’encaisser la brise, à l’image du Pogo 36 sur lequel embarque l’équipage de Voile Mag. Les locaux, quant à eux, seront sur le MMW 33 floqué aux couleurs du loueur. Et vogue! Dès la sortie du Vieux-Port, l’entrée en matière est assez rude, d’autant que nous avons décidé de tirer tout de suite un bord de près vers la Côte Bleue, ses blanches roches et ses fameux viaducs ferroviaires. Les unes et les autres sont encore loin quand une première rafale nous cueille pour ainsi dire à froid… Bigre, nous serions aussi bien sous deux ris. Mais à tout prendre, on est mieux sur le Pogo que sur le 33 pieds de Mestral Marine, dédié à la régate en IRC et logiquement moins puissant. Nous le voyons encaisser de gros coups de gîte à quelques longueurs dans le sillage. Ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas de pointer au moins cinq degrés plus haut que nous sur ce bord de près… Mais le principe de cette navigation bord à bord n’est pas de comparer nos performances. Les programmes n’ont pas grand-chose à voir. En revanche, nous avons là deux bons bateaux de brise — une fois établie la toile du temps —disponibles à la location à Marseille. Deux bateaux parfaits pour une échappée belle de quelques jours entre rade et calanques. Mais il faut d’abord nous faire la main et, pour l’heure, nous tâtonnons encore un peu sur le Pogo. Il a pour lui sa raideur à la toile, son efficace trinquette endralliée sur le bas-étai volant que nous avons étarqué au port, mais a souvent tendance à taper dans le clapot. Il faut essayer de le garder lancé, notamment quand les crêtes s’espacent un peu pour le laisser passer, et en profiter pour lofer. A l’inverse, quand une série de vagues courtes menace de l’arrêter, il faut laisser porter un peu et passer en puissance, tout en gardant la main sur la drosse de chariot. Car si la mer s’aplanit à mesure que nous approchons du massif de l’Estaque, le vent se fait irrégulier et forcément sournois. A ce jeu-là, nous sommes alternativement sous-toilés, puis soudain sur la tranche! A intervalles réguliers, le MMW nous dévoile d’ailleurs son lest, ce qui ne semble pas émouvoir plus que cela l’équipage absorbé par le spectacle de cette Côte Bleue et de ses ouvrages d’art formidables : vingt-trois tunnels, dix-huit viaducs très spectaculaires à l’image de celui de La vesse dont les voûtes colossales surplombent les eaux turquoise de la calanque éponyme. Mais les mouillages ici sont difficiles à prendre, les fonds peu propices et les ports minuscules. Pour la pause déjeuner, mieux vaut abattre vers les îles du Frioul dont le havre, fermé à l’ouest par la grande digue reliant les îles de Pomègues et de Ratonneau, sera parfaitement abrité.

LA RADE SUD PLUS VENTEE
Pour l’atteindre, nous contournerons les îles par le sud en pensant que tout sera plus facile au portant, ce qui n’aura finalement rien d’évident! D’abord parce que le mistral se renforce sérieusement entre le nord et le sud de la rade — un classique. Dans ces conditions, notre Pogo devient assez fougueux sous un seul ris, même en choquant en grand, et il faut réduire! Ce que nous faisons de notre mieux dans une mer devenue chaotique aux abords de la pointe sud de Pomègues, le cap Caveaux. Bref, moyennant un peu de gymnastique et une bonne douche salée, nous finissons par nous glisser sous le vent des îles et dans le port du Frioul, pour un casse-croûte bien mérité. Les vestes de quart tombent, les salopettes s’ouvrent et les bottes fument au soleil. La tranquillité des lieux détonne tant avec la furie du mistral qu’avec l’agitation du Vieux-Port, pourtant si proches. C’est toute la magie du Frioul. C’est aussi toute la magie de ce mois de février d’une étonnante douceur. Nous repartons pour une séance photos sous le vent des îles avant de nous lancer, en fin d’après-midi, dans la grande descente au portant vers Cassis. Un peu échaudés par nos manoeuvres précédentes, nous partons sous deux ris, et toujours sous trinquette.
Un peu sous-toilés en début de navigation, nous prenons de plus en plus de pression à mesure que nous nous dégageons des iles et le Pogo se lance dans de grands surfs jusqu’à 15 noeuds. Un vrai bonheur de mener dans la brise cette carène puissante, et là, pour le coup, le MMW 33 a du mal à suivre le rythme ! A ces sensations grisantes s’ajoute, à l’approche de l’île Maire, une féerie pour les yeux. La lumière se réchauffe alors que le soleil approche de l’horizon, qui à 360 degrés est d’une pureté limpide. Les roches virent à l’orange, l’écume des vagues au rose, on ne sait plus très bien et on ne parle plus beaucoup, faute de mots. A ce stade, toute parole est superflue, pire, elle risquerait d’abîmer l’instant. Nous sommes seuls à l’approche du passage entre Jarre et l’île Plane, pas un signe de présence humaine à l’horizon, et nous cavalons toujours. Comme si cette magie sauvage ne suffisait pas, voilà à présent deux dauphins joueurs qui viennent cabrioler autour de nos étraves. Et dire que nous avons hésité à maintenir cette navigation marseillaise à cause d’un peu de brise… Maintenant que nous portons la toile du temps, que les îles et le massif de Marseilleveyre nous protègent un peu de la mer, nous nous sentons plutôt en harmonie avec ce mistral qui nous porte, se fait notre allier. Il est vrai que nous l’avons dans le dos, et que demain il faudra rentrer…

SURTOUT JOUIR DE L’INSTANT
Mais Jouissons plutôt de l’instant. Sans oublier de garder un oeil sur l’écueil de Miet, un caillou qui culmine à 2,50 m, c’est-à-dire un peu plus haut que notre tirant d’eau quille basse (3 m). Ce serait dommage de tout gâcher. Une fois ce passage dans le sillage, c’est la côte des calanques qui s’offre à nous. Leurs noms s’égrènent, joyeux chapelet, à mesure que défilent à bâbord leurs nefs calcaires. Sormiou, Morgiou et Sugiton, En-Vau et Port-Pin… Toutes ont leur caractère, plus ou moins ouvert, plus ou moins ombrageux, leur charme et leurs histoires. On y marche, on y grimpe beaucoup depuis que Gaston Rebuffat a fait de ce jardin de pierre un fabuleux terrain de jeux dédié aux dieux de l’escalade. Depuis qu’il a parcouru de ses chaussons ce pays vertical, depuis qu’il l’a pour ainsi dire inventé, les parois de calcaire ne sont plus des murs mais des voies. Et c’est peu dire que ce pays des calanques se prête à toutes les joies de la roche et de l’eau. Randonnée, escalade, voile bien sûr mais aussi plongée, kayak, stand-up paddle… Et le tout à proximité de la deuxième ville de France! C’est cette situation géographique, cette logique attractivité et la fragilité du milieu qui ont conduit à la création, en 2012, du Parc national des Calanques. Un parc forcément mal accepté par les habitués des lieux comme par les professionnels du tourisme. Mais comment faire autrement quand un tel joyau naturel se trouve pour ainsi dire en banlieue d’une ville de plus de 1,5 million d’habitants? Sa préservation est en soi un petit miracle, qu’il fallait prolonger à tout prix. C’est ce que fait le Parc national avec des mesures de protection qui heurtent souvent de plein fouet les pratiques locales et font toujours couler beaucoup d’encre. Les dernières en date : l’interdiction, pour les skippers professionnels, de débarquer leurs passagers! Et la nécessité, à partir du 1′ mai prochain, de demander une autorisation de navigation via un formulaire en ligne dédié (voir par ailleurs). Naviguant hors saison, nous ne verrons pas le personnel du parc et croiserons bien peu de monde. Mais aux beaux jours c’est une autre affaire… Quand nous arrivons à Cassis, la nuit est tombée mais la capitainerie, que nous avions contactée, a donné des Instructions au veilleur de nuit. Nous prenons des pendilles dimensionnées pour de plus grands bateaux, ce qui nous oblige à monter une sorte de patte-d’oie — l’affaire de dix minutes. En saison, nous aurions peut-être été redirigés vers Port-Miou, où l’on s’embosse cul à la roche mais pour l’heure, les bouées visiteurs ne sont pas à poste dans le port calanque voisin. Ce sera donc Cassis et c’est tant mieux car nous n’aurons rien contre un verre en ville et un petit tour au marché de bon matin : si vous passez par là, on vous conseille vivement les oranges locales… C’est un peu la magie de ces week-ends en croisière : en 24 heures sur l’eau, physiquement amarinés, mentalement voyageurs, bref, on est déjà loin et c’est bon ! Avant d’entamer la route retour, puisque notre format de croisière se limite à deux jours, un petit tour et une halte méridienne s’imposent dans les calanques les plus proches, celles de Port-Pin et d’En-Vau. La première est plutôt douce, boisée, accueillante, la seconde vertigineuse et presque inquiétante, quoique mieux protégée du clapot. Le regard est irrésistiblement attiré par les cimes, subjugué par les aiguilles, clochetons et autres absides de ce délire gothique à ciel ouvert. Nous mouillons là où la calanque tout en longueur s’élargit un peu, au niveau d’une voûte naturelle qui surplombe l’eau et se prête parfaitement, l’été, à la pratique de l’escalade libre. Attention, l’ancre doit être mouillée dans le périmètre formé par les bouées jaunes… Facile, nous sommes seuls, un beau week-end de mai il faudrait peut-être jouer des coudes! Les victuailles du marché sont rapidement sorties des vastes équipets coffres du Pogo 36.

A CASSIS, LE MISTRAL SOUFFLE A L’ENVERS!
Ces produits simples partagés sans manière dans un cadre grandiose ont la saveur des bons moments de la vie. Nous savons aussi que c’est l’heure de prendre des forces avant une remontée au près qui s’annonce forcément virile! Car le mistral est toujours là, en dépit de ses entrechats… Dans le port de Cassis, détourné par le relief, il soufflait à l’envers. En baie, il brillait par son absence, au point de nous faire croire un instant à une véritable accalmie. Mais il est bien là à l’ouvert des deux calanques, et dès la pointe de Castel-Viel, la Grande Bleue montre les crocs. Mieux vaut ranger les bateaux, que rien ne vole à l’intérieur et que tout soit clair dans les cockpits. Quant aux équipiers, on leur conseille d’être étanches… En fait, les choses se passent plutôt bien, en tout cas mieux que la veille. D’abord, nous avons nos bateaux en main. Ensuite, nous partons d’emblée avec la toile du temps, soit deux ris. Enfin, Il y a plutôt moins de mer qu’en rade une fois débordé le ressac de la pointe. Et il y en a de moins en moins à mesure que nous progressons vers l’écran protecteur des îles, mais la difficulté viendra plutôt des turbulences nées du relief, aussi bien à terre que sur ces îles.

GROSSE MISTOUFLE ET SACREES CLAQUES…
De grosses variations en direction — belle mistoufle, à nous d’en tirer profit — mais aussi en force. Et là, quand surviennent ces claques magistrales, pas grand-chose à faire à part rentrer la tête dans les épaules et tenir bon! Le problème, dans ces airs irréguliers, c’est qu’on se retrouve souvent sous-toilés, le bateau tout mou alors qu’on a encore les oreilles qui sifflent. Puis apparaît à une encablure l’un de ces fantômes d’écume, une méchante petite barre blanche pleine de tourbillons : celle-là, on sait qu’on va se la prendre! Le changement d’ambiance est immédiat, le bateau se vautre et part au lof, mais sur le Pogo on garde à peu près le contrôle. La plupart du temps. Pas facile de jeter un oeil à l’anémo quand le bateau est sur la tranche, mais on aperçoit quand même 47 noeuds dans l’une de ces rafales… Dans ces conditions, pas étonnant que le MMW 33 ait mis une barre de flèche dans l’eau. Mais on s’habitue à tout, et passé la première claque, on a généralement quelques minutes de bonne brise pour faire route. On ne choque même plus la grand-voile — le chariot est déjà sous le vent —, mieux vaut laisser le bateau lofer sans faire faseyer la voile plus que nécessaire. Au final, ce n’est donc pas si terrible et même assez exaltant. Cette fois-ci, nous passons à l’intérieur de Ille de Jarre. Sa pointe au vent offre un spectacle dantesque, un vrai chaudron de sorcière où le soleil déjà rasant joue avec les crêtes… On ne passe pas sans un frisson. Puis on se retrouve en rade de Marseille, à prolonger notre bord en supportant une mer nettement plus creuse avant de lancer notre dernier virement, cap sur le Vieux-Port. Bientôt, protégés par le Frioul et le château d’If, nous passons la pointe d’Endoume, faisons défiler sous le vent Malmousque et le plaisant Vallon des Auffes dans une lumière toujours aussi magique. Nous rentrons avec le sentiment d’avoir réussi un hold-up en plein vent, le coup parfait. Deux jours, deux jours seulement? C’est cela aussi la magie du mistral : plus la navigation est intense, plus elle dilate le temps. Et les pupilles, avec de sérieux effets secondaires sur les zygomatiques, à en juger par les bananes qui s’affichent sur les deux bords !

 

 

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